ONU Info Genève s’est récemment entretenue avec le général de division Patrick Gauchat, Chef de l’Organisme des Nations Unies pour la supervision de la trêve (ONUST) et Chef de mission par intérim/Commandant de la Force d’observation du désengagement (FNUOD).
Établi en 1948, l’ONUST est la première opération de maintien de la paix créée par les Nations Unies. Les observateurs militaires de l’ONUST surveillent le cessez-le-feu entre Israël et la Syrie ainsi qu’avec le Liban, afin de prévenir des incidents isolés qui pourraient dégénérer. Ils opèrent dans les zones tampon entre Israël et ces deux pays limitrophes.
En outre, la mission conseille les autres missions de maintien de paix de l’ONU au Moyen-Orient : la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) qui a été établie en 1974 pour contrôler l’application du cessez-le-feu entre les forces israéliennes et syriennes au Golan, et la Force intérimaire des Nations Unies au Liban (FINUL) établie en 1978.
Le général Gauchat fait le point sur la situation dans la région et le rôle du maintien de la paix de l’ONU.
Le général de division Gauchat, chef de l’Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST) au Moyen-Orient.
ONU Info : Après la chute du régime de Bachar Al-Assad en Syrie en décembre 2024, Israël a temporairement pris le contrôle de la zone tampon démilitarisée sur les hauteurs du Golan, estimant que l’accord de désengagement de 1974 avec la Syrie s’était effondré avec la prise de contrôle du pays par les rebelles. Le ministre israélien de la Défense a annoncé récemment que l’armée israélienne y resterait indéfiniment en dépit des accords. Qu’est-ce que cela signifie ? Quelle est la situation sur place ?
Le général Gauchat : Il y a une violation. L’armée israélienne est rentrée dans la zone démilitarisée. Cette violation a été annoncée au Conseil de sécurité de l’ONU et évidemment, elle est discutée avec les parties : l’armée israélienne et le nouveau gouvernement qui se met en place à Damas. Maintenant, Israël a annoncé par lettre au Conseil de sécurité et au Secrétaire général António Guterres que cette présence est temporaire. Elle a un caractère temporaire pour des raisons de sécurité.
Des raisons de sécurité sont mentionnées parce que l’armée régulière de Syrie s’est retirée. Il n’y a plus personne dans la zone où auparavant il y avait l’armée et où on contrôlait ses effectifs et les matériels militaires qui sont autorisés ou pas, en fonction de ce que les deux parties ont signé à l’armistice.
Un observateur militaire de l’Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST) informe ses collègues de la situation au Golan.
ONU Info : Qu’est-ce que cela signifie pour vous en tant qu’observateur militaire ?
Le général Gauchat : Cela veut dire qu’on doit faire vraiment des rapports circonstanciés. Les structures ont changé. Il y a une nouvelle présence, donc elle doit être mentionnée dans nos rapports. C’est ce qui nous est demandé non seulement par la résolution du Conseil de sécurité qui veut cette force et ces observateurs pour maintenir un cessez-le-feu, mais aussi par les parties qui ont signé un accord de cessez-le-feu en 1974. Donc on applique encore cette signature et les conséquences de cette signature. Maintenant, le nouveau gouvernement qui se met en place à Damas a reconnu ce traité et il veut y adhérer. En fait, il s’agit d’une discussion entre ces deux parties, afin de voir comment ils veulent maintenir cette frontière militaire la plus sûre possible.
ONU Info : Le mandat de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD), reste largement inchangé depuis 1974, malgré les multiples crises au Moyen-Orient. Quel a été l’impact de la guerre civile en Syrie qui a débuté en 2011, sur la mission des observateurs militaires de l’Organisme des Nations Unies chargé de la surveillance de la trêve (ONUST) et ceux qui s’occupent du maintien de la paix ?
Le général Gauchat : Le mandat n’a pas changé parce que l’armistice signé par les parties n’a pas changé et les parties n’ont pas demandé à changer cette disposition. Quand les troubles ont commencé en 2011 en Syrie, effectivement nous avons dû nous adapter. La présence de combats internes chez une des parties n’est pas prévue par le règlement de l’armistice.
Par contre, il y a des conséquences sécuritaires, ce qui nous a empêchés de faire soit des patrouilles, soit des inspections, parce que les positions n’étaient plus là ou alors c’était trop dangereux pour le faire. Mais dans la même période, la partie israélienne se conformait à l’armistice. Et là on pouvait faire nos opérations d’observation, d’inspection en relation avec l’armistice de façon optimale.
ONU Info : Quel est le niveau d’engagement aujourd’hui avec le gouvernement de transition syrien ?
Le général Gauchat : Évidemment, on engage à plusieurs niveaux. Nous avons eu la visite du Secrétaire général adjoint aux opérations de paix (Jean-Pierre Lacroix), qui a permis de pousser un côté politique avec le ministre des Affaires étrangères et aussi le ministre de la Défense nouvellement nommé à Damas. Aussi sur le terrain, nous rencontrons les chefs de village, les ‘Moukhtars’ ou les chefs religieux les ‘Cheikhs’, quand on parle par exemple de la partie druze.
Ça permet de maintenir la connaissance, de savoir ce qui se passe auprès de la population, mais aussi de recevoir leurs demandes ou leurs inquiétudes. Évidemment, on a des systèmes de police qui sont aussi en place et on communique avec beaucoup de gens. C’est aussi l’avantage du système de maintien de la paix de l’ONU, on peut parler avec tout le monde.
ONU Info : S’agissant du Liban, le délai du dimanche 26 janvier prévu dans l’accord de cessez-le-feu de novembre pour un retrait des troupes israéliennes du sud Liban n’a pas été respecté, selon la Coordinatrice spéciale des Nations Unies pour le Liban, ainsi que la mission de maintien de la paix des Nations Unies, la FINUL. Quel est le principal obstacle ?
Le général Gauchat : Effectivement, à la fin d’un conflit, quand on arrive à avoir un cessez-le-feu temporaire, c’est la partie la plus fragile. Et puis parfois, des termes sont compris différemment, et c’est là qu’on peut avoir une problématique soit d’interprétation, ou bien parce qu’il y a des frictions, on a des délais qui ne sont pas respectés.
C’est le cas ici, le délai n’a pas pu être tenu, mais les parties ont trouvé un accord pour repousser ce délai au 18 février 2025. Donc on va travailler avec les Libanais et les Israéliens pour vraiment arriver dans ce deuxième délai à permettre un retrait et à transformer ce cessez-le-feu temporaire en un cessez-le-feu beaucoup plus permanent.
ONU Info : Israël était censé se retirer de la zone tampon avec le Liban pour permettre le retour en toute sécurité des civils dans leurs villages le long de la ligne bleue. Quel type d’incident observez-vous sur place ?
Le général Gauchat : Il y a évidemment de temps en temps des coups de feu. Donc tout d’un coup une réponse, ça peut être des erreurs individuelles ou ça peut être des inquiétudes ou des choses qui n’ont pas été respectées par rapport à cet accord temporaire. Il y a aussi des passages de ligne, par exemple de la population civile, qui étaient permis à un certain moment, mais qui n’auront peut-être pas été respectés.
Et ça participe à des élévations de frictions, de tensions entre les parties. On doit donc travailler plus en termes de liaison, ce qui fait perdre du temps et explique que les délais n’ont pas pu être tenus.
ONU Info : Qu’est ce qui a changé depuis l’accord de cessez-le-feu ?
Le général Gauchat : Je pense que principalement le volume d’opérations militaires a diminué. Le nombre de trajectoires qui partent du sud au nord ou du nord au sud a fortement diminué. On parle d’artillerie, on parle aussi d’aviation, etc. Donc on a moins de dégâts, moins de morts, un climat qui permet de voir un futur qui pourrait être bien meilleur.
On a aussi une situation politique qui change dans les deux pays, mais notamment au nord, au Liban, où les élections du mois de janvier ont permis d’élire un Président, ce qui permet maintenant d’avoir un nouveau gouvernement qui va se mettre en place.
ONU Info : Que pouvez-vous nous dire sur l’impact de la guerre entre le Hezbollah et Israël pour les communautés qui ont fui et souhaitent revenir ? Vers quoi reviennent-elles ?
Le général Gauchat : Ces communautés reviennent sur des destructions parfois massives dans les villages ou de leur demeure. Je tiens à signaler des destructions au nord massives, mais aussi au sud. Ces gens reviennent et certains ont tout perdu : leur maison, leurs biens, parfois aussi des photos, des souvenirs qui seront perdus à jamais. Le travail de reconstruction va prendre du temps et il va falloir que la communauté internationale, l’ONU et les pays concernés attachent un soin particulier à aider ces populations à retrouver une certaine normalité.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
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