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« 2.341 contentieux climatiques au total ont été déposés devant les tribunaux d’une cinquantaine de pays à travers le monde. Leur nombre a explosé depuis l’Accord de Paris de 2015 ».

Sabin Center for Climate Change Law de l’université de Columbia (Etats-Unis), 2023.
Partout dans le monde, on assiste à une inflation des contentieux environnementaux. Selon le Sabin Center for Climate Change Law de l’université de Columbia, on en comptait 884 en 2017, ce nombre est passé en 2022 à 2.180 actions intentées devant 65 instances dans le monde entier.
Si la majorité des actions sont enregistrées aux Etats-Unis, les pays en développement et petits Etats insulaires comptabilisent 17% des litiges recensés par le Centre.

D’après Inger Andersen, directrice exécutive du PNUE, « les citoyens se tournent de plus en plus vers les tribunaux pour lutter contre la crise climatique et demandent des comptes aux gouvernements et au secteur privé. Les contentieux liés au climat deviennent un mécanisme clé pour garantir l’action climatique et promouvoir la justice climatique ».
Cette situation fait donc appel au régime juridique de la réparation du préjudice écologique. Toutefois, en l’absence d’un socle commun de références en la matière, nous proposons d’examiner d’abord la responsabilité civile environnementale.

La responsabilité civile environnementale, au sens de Michel Prieur, peut être définie comme l’obligation légale pour une personne ou une entité d’assumer les conséquences financières des dommages causés à l’environnement par ses activités, ses produits ou ses services. Cette responsabilité s’appuie sur le principe du pollueur-payeur et vise à réparer les dommages causés à l’environnement, à restaurer les écosystèmes affectés et à compenser les préjudices subis par les individus et les collectivités impactés.

En ce sens, on pourrait considérer certaines dispositions de la directive européenne 2004/35/CE, comme un premier cadre commun rationnel d’identification et de mise en œuvre de la réparation à l’échelle régionale. D’ailleurs, la Commission européenne considère la responsabilité environnementale comme “l’obligation de prévenir et de réparer les dommages à l’environnement”. Cette définition met l’accent à la fois sur la prévention et la réparation des dommages environnementaux causés par certaines activités.

De juin 1992 à aujourd’hui : la longue marche vers la « Responsabilité environnementale »
En juin 1992, la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement à Rio de Janeiro, plus connue sous le nom de « Sommet planète Terre » a adopté une déclaration qui a fait émerger le concept des droits et des responsabilités des pays dans le domaine de l’environnement.
 
Ainsi, le Principe 13 de la Déclaration de Rio sur l’environnement et le développement, énonce : « Les Etats doivent élaborer une législation nationale concernant la responsabilité de la pollution et d’autres dommages à l’environnement et l’indemnisation de leurs victimes. Ils doivent aussi coopérer diligemment et plus résolument pour développer davantage le droit international concernant la responsabilité et l’indemnisation en cas d’effets néfastes de dommages causés à l’environnement dans des zones situées au-delà des limites de leur juridiction par des activités menées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle. »

Comme le principe de responsabilité se traduit juridiquement comme l’obligation légale pour une personne ou une entité d’assumer les conséquences de ses actes en réparant les dommages causés en matière civile, ou encore en subissant des sanctions pour infractions en matière pénale, il fut nécessaire d’asseoir un cadre juridique permettant de transposer ce principe dans les juridictions internationales, régionales et nationales.

En France, on a assisté d’abord à l’intégration, en 2005, d’un droit « de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » au bloc de constitutionnalité, ensuite la consécration par le Conseil constitutionnel de « l’obligation de vigilance à l’égard des atteintes à l’environnement», mais il a fallu attendre 2016 pour graver dans le Code civil à son article 1246 le principe suivant : «Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer ».

Au Maroc, la Loi-cadre n° 99-12 portant Charte nationale de l’environnement et du développement durable s’appuie sur le principe selon lequel toute personne physique ou morale, publique ou privée, a l’obligation de procéder à la réparation des dommages causés à l’environnement (article 2). Dans ce dessein, la charte prévoit à son article 34, la mise en place d’un régime juridique de responsabilité environnementale offrant un niveau élevé de protection de l’environnement, « Ce régime est assorti de mécanismes de réparation des dommages, de remise en état et d’indemnisation des dégâts causés à l’environnement et notamment de garantie financière, le cas échéant. » (article 34).

En attendant l’adoption du texte d’application de la Charte en matière de régime de responsabilité environnementale, il serait judicieux d’en explorer les fondements classiques, avant d’envisager les réformes nécessaires en ce sens.
L’apodictique dépassement du fondement classique de la responsabilité civile en matière environnementale

D’abord, la structure même de la responsabilité civile au sens classique est connue pour sa relation interindividuelle. Ainsi, l’article 77 du Dahir formant Code des Obligations et des Contrats (DOC) au Maroc dispose : « Tout fait quelconque de l’homme qui, sans l’autorité de la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un préjudice est tenu à réparer ledit dommage lorsqu’il est établi que ce fait en est la cause directe … ». Parallèlement, l’article 1240 du Code civil français dispose:« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
Il s’agit ici de l’obligation de réparer le dommage causé « à autrui », ce qui ne permet pas de donner un fondement juridique solide à la condamnation de celui qui cause le dommage environnemental.

De surcroît, pour obtenir indemnisation, il faut impérativement que le dommage ait causé du tort à une personne physique ou morale, faute de quoi, le caractère personnel du dommage est contesté. On ne peut parler alors de préjudice écologique pur.

Ensuite, fonder la réparation du préjudice écologique sur la responsabilité civile classique revient à l’établissement du lien de causalité. Ainsi, l’article 78 du DOC dispose : «Chacun est responsable du dommage moral ou matériel qu’il a causé, non seulement par son fait mais par sa faute lorsqu’il est établi que cette faute en est la cause directe. ». C’est également le cas en droit français (articles de 1240 à 1242 du Code civil).
Mais que faire dans les cas où il s’agirait de pollution diffuse, et où il est difficile d’établir un lien de causalité ?
Sans oublier que l’imposition de démonstration de ce lien de causalité requiert une expertise scientifique, dont le coût serait un obstacle majeur à l’accès à la justice pour les victimes.
Pour ces raisons et bien d’autres, la responsabilité civile classique en matière environnementale reste à rénover sur la base d’une jurisprudence efficace. Une position aux antipodes des voix qui vont à l’encontre de la promotion de la responsabilité civile comme fondement de la réparation des atteintes à l’environnement, mais qui mérite une attention particulière.
Erika : la grande subversion jurisprudentielle pour le préjudice écologique
La reconnaissance du préjudice écologique se réfère à l’admission juridique du fait qu’un dommage a été causé à l’environnement en tant qu’entité distincte, indépendamment des dommages subis par des individus ou des biens. Cette reconnaissance permet de considérer l’environnement comme un sujet de droit à part entière, avec des droits et des intérêts propres. (Marie-Laure Lambert et al.,2013)
 
La Cour de cassation dans son arrêt datant du 25 septembre 2012, le définit comme « l’atteinte directe ou indirecte portée à l’environnement et découlant de l’infraction », dans le cadre de la célèbre affaire dite ERIKA (Cour de cassation, criminelle, Chambre criminelle, 25 septembre 2012, 10-82.938).

Source of original article: Libération (www.libe.ma).
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