La guerre commerciale déclenchée par les États-Unis, d’abord contre un ensemble de pays, puis suite à un changement de cap, cette semaine, principalement contre la Chine, fait peser une incertitude sur les économies en développement les plus vulnérables, qui craignent d’être également touchées par des surtaxes douanières.
Mardi, le Secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, a mis en garde contre les conséquences « extrêmement négatives » des guerres commerciales et l’impact potentiellement « dévastateur » de la hausse des droits de douanes, cette taxe sur les importations généralement prélevée sur l’exportateur sous forme de pourcentage de la valeur du produit — un coût supplémentaire souvent répercuté sur le consommateur.
Dans une interview accordée au Financial Times, jeudi matin, Rebeca Grynspan, la la Secrétaire générale de la CNUCED, a appelé les États-Unis à reconsidérer leur stratégie, notant que les 44 pays les moins avancés (PMA) sont responsables de moins de 2 % du déficit commercial des États-Unis, dont une hausse des droits de douanes à leur encontre ne ferait qu’aggraver la crise de la dette que ces pays traversent déjà.
Dans un entretien avec ONU Info, Mme Grynspan est revenue sur la façon dont la CNUCED soutient les pays en développement et a plaidé pour un renforcement des liens commerciaux régionaux, susceptibles de renforcer leur position dans les négociations commerciales internationales.
ONU Info : Les deux plus grandes économies du monde, les États-Unis et la Chine, sont engagées dans une guerre commerciale à coups de mesures douanières respectives. À quel point devons-nous nous en inquiéter ?
Rebeca Grynspan : Lorsque les deux principales économies mondiales imposent des droits de douane, cela affecte tout le monde, pas seulement les économies directement impliquées dans cette guerre tarifaire. Nous vivons déjà dans une « nouvelle normalité » marquée par une croissance molle et un endettement élevé, et nous craignons que l’économie mondiale ne ralentisse encore davantage.
Notre priorité est d’attirer l’attention sur ce qui peut arriver aux pays les plus vulnérables, comme les PMA et les petits États insulaires en développement. Ce qui leur arrive, c’est cela qui nous inquiète vraiment.
Une usine de Mongolie-Intérieure, en Chine (archive).
ONU Info : Certains experts affirment que cela pourrait marquer la fin du système financier international d’après-guerre. Ces craintes sont-elles fondées ?
Rebeca Grynspan : Nous ne savons toujours pas où cela va nous mener. L’un de nos rôles est de fournir au public une analyse de ce qui relève de la réalité actuelle et de ce qui ne sont pour l’instant que des paroles.
La question la plus importante est celle de l’incertitude. Si nous connaissons la position finale, nous pouvons nous adapter, élaborer des stratégies, et voir comment vivre avec les décisions prises. Mais si l’incertitude perdure et que les choses changent constamment, nous ne savons pas comment agir. Les investissements sont paralysés, car les chefs d’entreprise préfèrent attendre, ce qui signifie que les investissements ne reviendront pas à l’échelle dont le monde a besoin.
Nous lançons tout d’abord un appel à la prise de décisions rationnelles, pour que nous puissions planifier, nous adapter et agir — mais nous ne savons toujours pas en quoi consistera le changement.
ONU Info : Vous avez plaidé pour que les pays les plus pauvres soient épargnés par les hausses de droits de douane imposées par les États-Unis. Vos préoccupations sont-elles entendues ?
Rebeca Grynspan : Je n’ai vu personne d’autre faire l’analyse que nous avons produite, prouvant que ces pays ne contribuent pratiquement pas au déficit commercial américain. La majorité de leurs exportations vers les États-Unis sont des matières premières, et beaucoup d’entre elles sont exemptées de droits de douane selon les nouvelles règles. Ces produits de base ne concurrencent pas l’industrie américaine, au contraire, ils contribuent aux processus de production.
Ce que je veux souligner, c’est qu’il existe un certain nombre de pays qui ne contribuent pas réellement au déficit, ne représentent pas un revenu important pour les États-Unis [en termes de droits de douane] et ne constituent ni une menace concurrentielle ni un danger pour la sécurité nationale.
Peut-être pourrait-on ainsi éviter d’engager de nouvelles négociations bilatérales et ne pas leur infliger la douleur des mesures douanières.
Des ouvrières d’une usine textile au Vietnam, dont les doudounes sont destinées principalement aux marchés occidentaux.
ONU Info : Quel conseil donneriez-vous à un ouvrier du secteur manufacturier dans un pays en développement comme le Vietnam ou Madagascar ?
Rebeca Grynspan : C’est difficile à dire, car certains pays subissent des tarifs plus élevés que d’autres, et il est difficile de savoir quel sera l’impact compétitif.
Madagascar est un bon exemple de ce dont nous parlons, car la principale exportation du pays vers les États-Unis est la vanille. Leur contribution au déficit commercial américain est si faible qu’elle ne figure même pas dans les statistiques. Il n’y a donc aucun sens à pénaliser un pays comme celui-là.
ONU Info : Quel est le rôle de la CNUCED dans le soutien aux pays en développement ?
Rebeca Grynspan : En tant qu’organisation, nous analysons le commerce, l’investissement, le financement et la technologie sous l’angle du développement, ce qui signifie que nous aidons les pays à tirer parti des opportunités du commerce.
Nous ne participons pas aux négociations commerciales — celles-ci ont lieu à l’Organisation mondiale du commerce — mais nous aidons les pays en développement à obtenir de meilleurs accords commerciaux et à améliorer leur performance économique mondiale.
ONU Info : Vous avez plaidé pour que les pays en développement fassent davantage d’échanges commerciaux au sein de blocs régionaux, où ils peuvent avoir plus de poids dans les négociations avec les pays riches. Est-ce utile dans une situation comme celle-ci ?
Rebeca Grynspan : L’Afrique a une énorme opportunité avec la Zone de libre-échange continentale africaine. Selon nos chiffres, cela pourrait ajouter environ 3.000 milliards de dollars à l’économie du continent.
C’est une opportunité considérable, et s’ils peuvent accélérer le rythme, ils pourront tirer parti d’un marché plus vaste et réaliser des économies d’échelle. Les pays africains doivent diversifier leurs économies, car s’ils restent dépendants des matières premières, ils ne pourront pas fournir à leurs populations les services et les revenus qu’elles méritent.
Il y a aussi un approfondissement des relations commerciales en Asie du Sud-Est avec l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) et dans certaines parties de l’Amérique latine avec le Mercosur (Marché commun du Sud).
Ces partenariats peuvent jouer un rôle important, en particulier à ce moment précis.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
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