Lors d’une visite au siège de l’ONU à New York, M. Gautier a déclaré à Julia Foxen d’ONU Info que cette fracture mondiale exige que l’organe judiciaire principal de l’ONU – communément appelé la Cour mondiale – conserve son rôle autonome et indépendant « sans prendre parti dans l’arène politique ».

Il a souligné que la CIJ est un organe judiciaire et non politique, et qu’elle dispose donc des outils nécessaires pour régler les différends entre États, mais pas pour mettre fin au conflit lui-même.

Si le nombre croissant d’affaires reflète la montée des conflits dans le monde, M. Gautier a également souligné que chaque fois qu’un État porte un différend devant la Cour, cela représente le multilatéralisme en action et un système qui continue de produire des résultats.

L’entretien a été édité pour des raisons de longueur et de clarté.

ONU Info : Pouvez-vous faire le point sur les affaires actuellement examinées par la Cour concernant le Moyen-Orient ?

Philippe Gautier : Les 23 affaires traitées par la Cour sont un nombre sans précédent. Si vous faites référence au Moyen-Orient, de manière générale, nous pouvons dire qu’il y a huit affaires. Il y a deux affaires impliquant Gaza, dans lesquelles la Convention sur le génocide est vraiment au cœur du problème. Il y a l’affaire intentée par l’Afrique du Sud contre Israël et l’affaire intentée par le Nicaragua contre l’Allemagne. Le Nicaragua soutient que l’Allemagne, principalement en fournissant des armes à Israël, viole certaines conventions sur le génocide et d’autres instruments protégeant le droit humanitaire.

Il y a aussi une affaire opposant la Palestine aux États-Unis concernant le transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, qui relève davantage du droit diplomatique.

Il y a donc beaucoup à faire. Si vous examinez ces affaires, même si elles ne concernent qu’une seule région, il y a beaucoup plus de pays concernés. Il est important de le souligner car pour des instruments comme la Convention sur le génocide, chaque État partie à la Convention peut considérer qu’il est de son droit de veiller à ce que la Convention soit respectée.

Un garçon transporte des affaires provenant d’un bâtiment bombardé à Gaza.

ONU Info : Pouvez-vous expliquer l’avis consultatif de juillet concernant les conséquences juridiques découlant des politiques et pratiques d’Israël dans le territoire palestinien occupé ?

Phillipe Gautier : Ce qui est important, c’est le fait que l’occupation prolongée d’Israël et les politiques et pratiques qui ont privé le peuple palestinien de son droit à l’autodétermination ont une conséquence sur le statut juridique de l’occupation. La conclusion était que, sur la base de ces circonstances, la présence est illégale.

La partie de l’avis consultatif qui traite des responsabilités des différents acteurs est qu’Israël mette fin à l’occupation dès que possible, qu’il arrête immédiatement de nouvelles colonies et qu’il fournisse une réparation complète pour les dommages qu’il a causés.

Il est important de souligner que le but d’un avis consultatif est d’apporter des éclaircissements sur le droit et de servir de guide à ceux qui l’ont demandé, en veillant à ce que la question soit examinée et prise en compte de manière approfondie par les organes de l’ONU.

ONU Info : Quelle est la principale différence entre un avis consultatif comme celui-ci et une affaire contentieuse comme celle portée devant la Cour par l’Afrique du Sud contre Israël ?

Phillipe Gautier : Il y a une différence majeure. En matière d’avis consultatif, ce n’est pas un pays qui décide. C’est par un vote à l’Assemblée générale que la décision de demander un avis consultatif est prise.

Il revient à la Cour de donner une réponse à la question juridique en cause. Et, bien que cette réponse ait une valeur faisant autorité et ne puisse être négligée, elle n’est pas contraignante.

En revanche, dans une procédure contentieuse, il y a un différend entre deux États. Et un État ou les deux États décident en commun de porter l’affaire devant la Cour pour régler le différend par une décision contraignante qui est obligatoire.

C’est la règle d’or dans les affaires contentieuses : pour porter le différend devant la Cour, il faut le consentement des deux parties, et c’est difficile.

La délégation de l’Afrique du Sud le 24 mai 2024, au Palais de la Paix, à La Haye, dans l’affaire “Afrique du Sud contre Israël”.

ONU Info : Que pouvez-vous dire de l’attention portée cette année à la Cour et à ses pouvoirs dans le cadre de la guerre en cours à Gaza ?

Phillipe Gautier : Je dirais que cela nécessite que la Cour agisse de manière autonome et indépendante. C’est très important pour être au-dessus des questions qui divisent toute la communauté.

Il est important que la Cour fournisse des actions et des réponses juridiques sans prendre parti dans l’arène politique. La Cour est un organe judiciaire. Elle peut régler les différends par des décisions contraignantes, qui sont normalement respectées par les États parties au différend. Ce n’est pas un organe politique. Elle n’est pas là pour surveiller les conflits. Il faut que cela soit compris. Sinon, les attentes pourraient être trop élevées.

La Cour est là pour régler le différend, pas pour mettre fin à un conflit. En tant que telle, elle ne dispose d’aucun outil pour cela.

ONU Info : Vous avez déclaré l’année dernière dans un entretien à ONU Info que le nombre croissant de cas que vous avez mentionnés est un signe de réussite du multilatéralisme. Pensez-vous toujours que c’est le cas ?

Phillipe Gautier : Bien sûr, sinon je ne serais pas là. Chaque fois que des États décident de porter un différend devant la Cour, c’est une victoire. Cela signifie qu’il y a de l’espoir dans le système multilatéral international, et je dois constater que depuis octobre dernier, il y a eu cinq nouveaux dossiers institués. Et ça continue de s’amplifier. Il y a des jugements, des décisions rendues et de nouveaux dossiers qui affluent.

Je dirais aussi qu’il y a des dossiers très rassurants parce qu’ils sont portés conjointement par deux États parce qu’ils veulent mettre fin à leur différend. Par exemple, vous avez deux accords conclus entre le Gabon et la Guinée équatoriale sur des questions de souveraineté.

Un autre exemple vu dans la presse au début de ce mois est une bonne nouvelle concernant l’accord entre Maurice et le Royaume-Uni sur les îles Chagos. Il y a eu un avis consultatif rendu par la Cour en 2019 et vous voyez cinq ans après, il y a un succès pour la souveraineté des îles.

Cela montre que le système fonctionne. La Cour n’agit pas dans un splendide isolement. Elle agit plutôt comme partie du système. Le rôle des autres organes de l’ONU et du Secrétaire général en la matière est crucial pour convaincre les États membres de porter les différends devant la Cour.

ONU Info : Êtes-vous préoccupé par la désinformation et la mésinformation concernant le rôle de la CIJ ?

Phillipe Gautier : Bien sûr. Il serait difficile d’éviter ce sujet. Quand on voit ce qu’on peut faire grâce aux technologies de l’intelligence artificielle, il faut être conscient et agir en ce sens. Nous avons un service informatique qui s’occupe de ces questions, mais cela montre aussi l’importance de communiquer avec le public. C’est la mission de la Cour et nous essayons d’améliorer cela.

Je dirais aussi qu’il est important de comprendre que la justice internationale est une situation complexe. Un jugement ne peut pas se résumer à un tweet. C’est plus complexe que cela et il est important de l’expliquer au public.

Il existe des outils mais il n’y a pas de solution globale à ce problème. Les gens ont besoin de lire pour pouvoir digérer des informations complexes et nuancer leur opinion pour ne pas voir les choses en noir et blanc.

Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).

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