L’assassinat du dernier Président haïtien élu, Jovenel Moïse, en juillet 2021, a plongé cette nation insulaire des Caraïbes dans un tourbillon de violence d’une rare intensité. Plus d’une vingtaine de gangs armés règnent désormais en maître sur 85 % du territoire du pays. Des balles perdues fauchent régulièrement les résidents de la capitale, dont certains quartiers s’apparentent à de véritables zones de guerre.

Selon le Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), en 2024, plus de 1.700 personnes ont trouvé la mort dans des violences perpétrées par les gangs ou lors d’opérations menées par la police. Près de 1.500 individus ont été victimes d’enlèvements et plus d’un million de civils ont quitté leur domicile afin d’échapper aux violences.

« Les gangs recrutent dans les milieux les plus défavorisés », explique le Commissaire de police Papa Samba Mbodj, dans un entretien récent avec ONU Info. 

Originaire du Sénégal, M. Mbodj est le chef de l’unité de police du BINUH, une mission politique spéciale créée en 2019 par le Conseil de sécurité de l’ONU afin de prendre le relais de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la Justice dans le pays (MINUJUSTH), dont la clôture a mis fin à 15 années consécutives d’opérations de maintien de la paix en Haïti. 

Une police « très jeune »

À la différence de la MINUJUSTH et, avant elle, de la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), le BINUH ne dispose pas d’un mandat opérationnel.

Recrutés parmi les États membres des Nations Unies, les 70 policiers et gendarmes sous les ordres du Commissaire Mbodj ont pour principale mission de professionnaliser la police nationale haïtienne, souvent dépassée par les violences de gang, et de renforcer ses capacités. 

« C’est une police encore très jeune qui fait face à une insécurité qu’elle n’est pas formée pour juguler », estime le Commissaire, entre deux réunions au siège de l’ONU à New York, à l’occasion de la semaine de la police des Nations Unies, célébrée cette année du 26 au 28 février.

Jour après jour, les effectifs expérimentés du BINUH partagent leurs connaissances avec les près de 13.000 agents de police que compte Haïti et tentent de les aider à définir une stratégie anti-gang.  

Le commissaire de police Papa Samba Mbodj (au centre), du Bureau intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), lors d’un test écrit pour le recrutement de nouveaux cadets de la police haïtienne.

Instabilité politique

Ce n’est pas une mince affaire, compte-tenu de l’instabilité politique dans le pays, qui a connu pas moins de trois Premier ministres successifs en moins d’un an. 

Le Commissaire Papa Samba Mbodj (à gauche), en conversation avec une future cadette de la police nationale haïtienne.

« Le leadership est tout le temps renouvelé », regrette M. Mbodj. « Chacun vient avec sa stratégie, ce qui n’est pas pour aider la police ».

Selon lui, le manque de continuité contraint cette dernière à privilégier la gestion opérationnelle quotidienne, au détriment d’une perspective à plus long terme.

« La grande difficulté, c’est de faire comprendre qu’il leur faut un plan stratégique qui définisse la vie de la police haïtienne et d’arriver à faire comprendre aux hommes politiques qu’il leur faut une police professionnelle  », juge le Commissaire.

La force multinationale

Face à la détérioration rapide de la situation sécuritaire en Haïti, le Conseil de sécurité a approuvé, il y a deux ans, le déploiement d’une force opérationnelle pour aider la police nationale haïtienne à rétablir l’ordre : la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS).

« Ce n’est pas une force des Nations Unies », précise le Commissaire.

Dirigée par le Kenya, qui est aussi son principal fournisseur de contingents, la MMAS devrait disposer de 2.500 policiers issus de divers États membres, dont un millier ont été à ce jour déployés. 

Chaque semaine, le Commissaire Mbodj participe à des réunions tripartites avec le commandant de la force, Godfrey Otunge, et la police nationale haïtienne.

« Je viens avec mes idées, avec notre expérience du maintien et de la consolidation de la paix », confie avec modestie M. Mbodj, qui a au moins 40 années de service au sein de la police sénégalaise à son actif. 

Son premier déploiement onusien date de 1997, à Port-au-Prince justement, cinq ans après la première intervention des Nations Unies en Haïti, dans le cadre de la Mission de Transition des Nations Unies dans le pays (MITNUH). M. Mbodj a ensuite été déployé au sein de nombreuses missions de paix en Bosnie-Herzégovine, en Sierra Leone, au Darfour et en Centrafrique. Il est même passé, brièvement, par le siège de l’ONU, à New York.

« C’est ce qui m’a amené en Haïti », dit-il. « Tous les jours, je me remets en cause, pour que cette souffrance des Haïtiens, qui ne la mérite pas, puisse avoir une fin ». 

Commissaire Papa Samba Mbodj (à gauche), avec Normil Rameau (centre), Directeur général par intérim de la Police nationale haïtienne, et Godfrey Otunge, Commandant de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS).

Une structure sous-optimale

S’il entretient de bonnes relations avec le commandant de la MMAS, qu’il tente d’assister du mieux qu’il peut, M. Mbodj admet que la structure séparée entre le BINUH onusien et la force multinationale n’est pas optimale.

« Notre mandat est d’appuyer et de professionnaliser la police et la force multinationale a le même mandat », explique-t-il. « Mais le système de gestion et de fonctionnement des Nations Unies est différent »

Face à l’urgence de la situation sécuritaire en Haïti, le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a récemment annoncé des propositions de réforme de l’architecture internationale dans le pays. 

Lors d’un sommet de la Communauté des Caraïbes à la Barbade, le 19 février, M. Guterres a dit vouloir proposer au Conseil de sécurité que l’ONU assume la responsabilité des dépenses structurelles et logistiques de la force multinationale. 

« Si le Conseil accepte cette proposition, nous aurons alors enfin les conditions pour une force efficace afin de vaincre les gangs en Haïti », a dit M. Guterres aux chefs d’État et de gouvernement de la région.

Vers une nouvelle mission de l’ONU ?

Plus tôt dans la semaine, la presse a dévoilé le contenu de la proposition adressée par le chef de l’ONU au Conseil, dans une lettre qui exclut, pour l’instant, de transformer la MSS en force de maintien de la paix de l’ONU, comme l’aurait souhaité le gouvernement haïtien. 

M. Guterres recommande plutôt la création d’une structure onusienne d’appui opérationnel et logistique à la force multinationale, qui serait financée par le budget de maintien de la paix de l’Organisation.

« Au moins, avec cette structure, nous aurons pratiquement les mêmes méthodes, les mêmes procédures », salue le Commissaire Mbodj. « Ça va huiler les relations et donner à cette force beaucoup plus de vigueur et par là même beaucoup plus d’espoir au peuple haïtien ». 

Un tel changement serait le bienvenu à l’approche du référendum constitutionnel haïtien prévu le 11 mai prochain, qui devrait être suivi par l’organisation d’élections générales au mois de novembre – les premières dans le pays depuis 2019.

Selon le Commissaire, la nouvelle structure permettrait non seulement de clarifier les choses sur le terrain, mais également d’alléger la charge du BINUH dans ces fonctions traditionnelles.

Dans la mesure où il est question dans la lettre du Secrétaire général d’allouer des moyens supplémentaires, M. Mbodj espère en effet pouvoir recruter de nouveaux policiers dans des domaines d’expertise prioritaires pour les forces de l’ordre haïtiennes. Ces derniers ont trait à la criminalité transnationale, notamment Interpol, le blanchiment d’argent, le trafic d’armes et le trafic de stupéfiants. 

Tout le personnel de police du monde ne permettrait cependant pas, à lui seul, de résoudre la crise actuelle.

« La principale difficulté en Haïti c’est la pauvreté », soutient M. Mbodj. « Il y a beaucoup d’enfants, surtout des enfants de rue, qui ont besoin d’être nourris, qui ne vont plus à l’école et qui pour la plupart ne voient pas leurs parents ». 

D’après les estimations du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), en effet, près de la moitié des membres de gangs en Haïti sont des enfants, dont le recrutement a augmenté de 70 % en un an.

Les autorités gouvernementales et la police haïtienne constituent la principale cible des gangs. C’est là que là que la force multinationale, la future mission d’appui de l’ONU – si elle est approuvée par le Conseil – et les policiers du BINUH, sous l’égide du Commissaire Mbodj, entrent en ligne de compte.  

« Nous sommes là pour aider ces autorités et cette police à rester debout » dit-il.

Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).

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