Pour ce membre de la Mission d’enquête pour le Soudan du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, la situation actuelle est « très difficile ». « Nous avons vu quelque chose que je n’avais jamais vu auparavant. J’ai travaillé sur le Soudan au cours des 20 dernières années, mais c’est difficile », a déclaré Mona Rishmawi, dans un entretien accordé à ONU Info.
Le Soudan est le théâtre depuis avril 2023 d’une guerre sanglante entre les paramilitaires des forces de soutien rapide (FSR), dirigées par le général Mohamed Hamdane Daglo, et l’armée menée par le général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant de facto du pays.
Selon la Mission internationale indépendante d’établissement des faits de l’ONU pour le Soudan, la violence sexuelle au Soudan a une longue et tragique histoire, souvent utilisée comme arme de guerre pour terroriser et contrôler les communautés pendant les périodes de conflit.
Le corps des femmes transformé en champs de bataille
« Vous savez, lorsque la guerre est menée sur le corps des femmes, c’est vraiment honteux pour tout combattant, pour toute partie au conflit qui commet un tel acte. Ce type de violations est vraiment, en plus d’être une énorme violation, une violation majeure des droits de l’homme internationaux et du droit humanitaire. Il s’agit d’une grave atteinte à la dignité et à l’humanité des auteurs de ces actes », a ajouté Mme Rishmawi.
L’enquêtrice pointe du doigt surtout les paramilitaires. « Ce qui se passe dans chaque zone où malheureusement leurs forces d’intervention rapide se déplacent le viol et le pillage et la destruction des biens suivent ».
A noter que la Mission d’enquête des Nations Unies avait déjà fait état, le 29 octobre dernier, « de violences sexuelles à grande échelle » commises par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) dans les zones qu’elles contrôlent.
Les paramilitaires pointés du doigt
Le rapport fustigeait les cas de viols collectifs et de l’enlèvement, mais aussi la détention de victimes dans des conditions qui s’apparentent à de l’esclavage sexuel. Pour la Mission, il existe « des motifs raisonnables de croire que ces actes constituent des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, notamment des actes de torture, des viols, de l’esclavage sexuel et des persécutions fondées sur des motifs ethniques et sexospécifiques ».
Au Darfour par exemple, les actes de violence sexuelle ont été commis avec une « cruauté particulière » à l’aide d’armes à feu, de couteaux et de fouets pour intimider ou contraindre les victimes, tout en utilisant des insultes désobligeantes, racistes ou sexistes et des menaces de mort. De nombreuses victimes ont été souvent ciblées sur la base de leur sexe et de leur appartenance ethnique réelle ou supposée. Ces actes de violence ont souvent eu lieu devant des membres de la famille, qui étaient également menacés.
Concernant les rapports des médias soudanais ou des vidéos relayées sur les réseaux sociaux au sujet du suicide de femmes victimes de viols, Mme Rishmawi note que la Mission d’enquête de l’ONU n’a pas d’informations particulières sur ces allégations, qui « doivent être examinées de très près et faire l’objet d’un examen approfondi ».
Des parents fuient pour protéger leurs enfants du viol
« Mais ce que je peux vous dire, c’est que la peur du viol et des violences sexuelles est très, très grave, et qu’elle est très présente dans le conflit ».
Sur le terrain, plusieurs parents ont fui leur domicile parce qu’ils craignaient que « leurs enfants, leurs filles, leurs jeunes femmes de la famille ne soient victimes de violences ». « Je ne devrais pas dire seulement les jeunes, mais les jeunes et les moins jeunes seraient violés », a-t-elle insisté, relevant que « le viol et la peur du viol sont une réalité » au Soudan.
« La plupart du temps, les familles quittent leur propriété et fuient vers une autre région qu’elles pensent sûre, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du Soudan, de sorte que vous ne disposez d’aucune information sur le suicide massif de femmes qui agissent de la sorte ».
Dans cet entretien accordé à ONU Info, l’enquêtrice onusienne a rappelé les difficultés d’avoir « des statistiques complètes sur les violences sexuelles liées aux conflits au Soudan ». « Parce que les gens, vous savez, la stigmatisation sociale associée malheureusement à ce type de pratiques et à ce type de crimes est telle que les gens n’en parlent que très peu. La plupart du temps, lorsque les femmes ont des complications, elles vont voir les prestataires de santé, les familles, et c’est là que ça se passe ».
Des données sous estimées
Dans son rapport publié en fin octobre dernier, la Mission avait estimé que des milliers de femmes, de filles, d’hommes et de garçons ont été victimes de violences sexuelles liées aux conflits qui se sont succédé depuis 2003. En septembre 2023, 136 cas de violence sexuelle avaient été signalés à l’Unité de lutte contre la violence à l’égard des femmes (CVAW) au Soudan, « dont 68 ont été enregistrés dans l’État de Khartoum, tandis que le reste des cas a été réparti dans les États du Sud et de l’Ouest du Darfour ».
En janvier 2024, le Groupe d’experts sur le Soudan a indiqué que « des observateurs locaux fiables spécialisés dans les violences sexuelles et sexistes avaient signalé 262 cas de viol sur la période allant d’avril à août [2023] dans les zones contrôlées par le FSR dans le nord d’El Fasher (27), Kutum (19), Tawilah (8), El Geneina (63) et Nyala (145) ». En septembre 2024, le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a indiqué qu’il avait « documenté 97 incidents de violence sexuelle dans le contexte du conflit, impliquant 172 victimes, principalement des femmes et des filles ».
Sur la base d’un examen de sources ouvertes et confidentielles crédibles, la Mission d’établissement des faits estime qu’au moins 400 survivants de violences sexuelles liées au conflit, presque exclusivement des femmes et des filles, ont été enregistrés par des hôpitaux et/ou des prestataires de services et orientés vers une forme de soutien au Soudan entre le début du conflit et juillet 2024.
« Bien que certaines données puissent se recouper, on peut supposer que ce chiffre ne représente que la partie émergée de l’iceberg, la plupart des cas n’étant pas signalés et le chiffre total étant nettement plus élevé », a fait valoir la Mission.
Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).
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