Dans les provinces côtières de Lattaquié et Tartous, fief historique de la minorité alaouite, une branche de l’islam chiite dont est issu le clan al-Assad, des affrontements  récents entre partisans du régime déchu et des forces de sécurité de la nouvelle autorité intérimaire ont dégénéré en massacres de civils à caractère sectaire. Un épisode sanglant qui vient rappeler la fragilité de la transition engagée sous la présidence intérimaire d’Ahmed al-Charaa, le chef des combattants islamistes de Hayat Tahrir Al-Cham, victorieux d’al-Assad.

Geir O. Pedersen, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, mardi, sur la situation dans le pays.

Selon Geir O. Pedersen, l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie, le 6 mars, plusieurs groupes armés loyaux à l’ancien régime ont lancé une série d’attaques coordonnées contre des infrastructures militaires et civiles des autorités de transition. « Des rapports font état d’attaques contre des cibles militaires et de sécurité intérieure, ainsi que contre plusieurs hôpitaux », a indiqué mardi l’émissaire onusien, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU sur la situation en Syrie. L’ampleur et la sophistication de ces attaques étaient selon lui « frappantes ».

En réaction, des troupes de l’autorité intérimaire ont afflué depuis d’autres régions du pays, entraînant des combats d’une rare intensité. Le bilan est effroyable : des centaines de victimes parmi la communauté allaouite, dont de nombreux civils, pris entre les feux croisés des factions rivales ou exécutés sommairement par les forces syriennes. M. Pedersen fait notamment état « de témoignages de familles entières exécutées à bout portant, et de nombreuses images de violations graves, à caractère manifestement sectaires, et de représailles ». 

Si le calme semble selon lui être revenu après plusieurs jours d’affrontements, les tensions demeurent vives, alimentées par un climat de méfiance et de peur.

Vers une enquête indépendante

Face à l’horreur des massacres, la communauté internationale a rapidement réagi. Le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné ces violences et appelé à une enquête approfondie. 

De leur côté, les autorités de transition ont annoncé la création d’une commission indépendante chargée de faire la lumière sur ces crimes. «  J’ai souligné l’importance de mener des enquêtes efficaces, transparentes, indépendantes et exhaustives, conformément aux normes internationales, et de veiller à ce que les témoins ne soient pas intimidés », a insisté l’envoyé de l’ONU.

En parallèle, les autorités de transition ont annoncé la création d’une haute commission pour la paix civile dans les régions côtières, afin d’apaiser les fractures sectaires exacerbées par ces événements. Mais la tâche s’annonce ardue, dans le contexte actuel d’appels mutuels à la haine. « Il y a un sentiment d’exclusion de la transition et du secteur public. Il y a aussi des griefs et une colère refoulés envers les personnes associées à l’ancien régime », a souligné le diplomate basé à Damas.

Une fille au milieu des décombres à Alep, en Syrie, après 14 ans de guerre.

Un accord politique fragile

Dans ce climat délétère, un accord signé le 10 mars dans la capitale syrienne entre le président par intérim al-Charaa et le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS, à dominante kurde), Mazloum Abdi, constitue un tournant majeur. 

Le texte de l’accord prévoit l’intégration des institutions civiles et militaires du nord-est syrien dans l’administration de l’État. Une avancée saluée par l’ONU, mais qui suscite aussi des réserves. « Nous observons encore des signes inquiétants indiquant que le conflit dans le nord-est n’est pas encore terminé. Les échanges de tirs entre les factions des FDS et de l’ANS [l’Armée nationale syrienne, un rassemblement soutenu par la Turquie] se poursuivent, et des frappes aériennes turques ont été signalées la semaine dernière dans les zones contrôlées par les FDS », a-t-il déclaré. 

Le processus de transition reste, en effet, semé d’embûches. Si une conférence de dialogue national a eu lieu en février à Damas, son caractère représentatif a été critiqué, selon M. Pedersen. La nouvelle déclaration constitutionnelle publiée en mars, qui annonce un régime présidentiel fort jusqu’à la rédaction d’une constitution et l’organisation d’élections dans cinq ans, fait également débat. Certains y voient une avancée vers l’État de droit, d’autres dénoncent une concentration excessive des pouvoirs entre les mains du président par intérim.

Inquiétudes aux frontières

M. Pedersen a également mentionné des affrontements transfrontaliers inquiétants, la semaine dernière, entre la Syrie et le Liban, suite à des informations faisant état d’enlèvements et d’exécutions de soldats syriens, ainsi que de tirs de missiles vers le Liban. Si la situation a pu être contenue après deux jours d’affrontements, il a appelé les deux pays à renforcer leur dialogue.

La Syrie est également à couteaux tirés avec un autre État voisin : Israël. En février et mars, plusieurs raids aériens israéliens ont été signalés dans le sud-ouest du pays, à Damas, à Homs et sur la côte. L’armée israélienne a également confirmé publiquement avoir construit plusieurs positions dans la zone de séparation, en violation de l’Accord de désengagement des forces de 1974 conclu entre les deux pays, qui définit une zone frontalière démilitarisée sur le plateau du Golan syrien, dont une partie est occupée par Israël depuis la guerre des Six Jours de 1967. 

« Je suis préoccupé par les déclarations israéliennes concernant l’intention du pays de rester en Syrie ‘jusqu’à nouvel ordre’, ainsi que par ses exigences de ‘démilitarisation complète du sud de la Syrie’ », a déclaré l’envoyé spécial. Il a appelé Israël à se retirer et à respecter l’intégrité territoriale de la Syrie. 

Tom Fletcher (à l’écran), le chef de l’humanitaire de l’ONU, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’ONU, mardi, sur la situation dans le pays.

Manque de fonds humanitaires

Parallèlement, la situation humanitaire en Syrie, déjà critique après quatorze années de conflit, s’est encore assombrie depuis l’annonce, en janvier dernier, de la suspension de l’aide étrangère des États-Unis pour une durée initiale de trois mois. « Nous avons besoin de davantage de financement », a insisté le chef de l’humanitaire de l’ONU, Tom Fletcher, qui participate également, par visioconférence, à la réunion du Conseil de sécurité. 

M. Fletcher a rappelé que l’appel de fonds de 2024 n’avait été couvert qu’à hauteur de 35 %. « Cette année, nous lançons un appel de fonds de 2 milliards de dollars pour venir en aide à 8 millions de personnes parmi les plus vulnérables d’ici juin. Nous n’avons reçu qu’environ 155 millions de dollars à ce jour, soit seulement 13 % de nos besoins », a-t-il alerté.

La suspension de l’aide américaine a eu un impact immédiat sur le terrain. Selon les premières évaluations, près de la moitié des organisations financées par Washington ont reçu des ordres d’arrêt total ou partiel, entraînant une réduction de 40 % de leurs effectifs humanitaires. « Les coupes budgétaires ne signifient pas que les besoins humanitaires disparaissent », a souligné M. Fletcher, rappelant que 16 millions de Syriens – soit près des trois quarts de la population – manquent de nourriture, d’eau potable, d’abris et de services de base.

À l’heure où la communauté internationale semble se détourner progressivement du drame syrien, l’urgence est plus grande que jamais. « Après 14 ans de conflit et de dévastation, le peuple syrien a eu à peine 14 semaines pour tracer une nouvelle voie vers un avenir meilleur », a rappelé M. Fletcher. « Il y a de réelles raisons d’espérer, mais il n’y a pas de temps à perdre ».

Source of original article: United Nations (news.un.org). Photo credit: UN. The content of this article does not necessarily reflect the views or opinion of Global Diaspora News (www.globaldiasporanews.com).

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